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Les formulaires « droit à l’oubli » : des victimes face à de l’efficacité… toute relative

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(Article mis à jour le 14 octobre 2014)

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) l’a jugé en mai dernier, dans un arrêt C-131/12 du 13 mai 2014 une activité de moteur de recherche sur internet est un «traitement de données à caractère personnel» dans la mesure où il trouve, indexe, et stocke des informations personnelles de personnes physiques afin de les mettre à la disposition des internautes selon un ordre de préférence.

De cette constatation, la CJUE tire une conséquence majeure : afin de respecter les droits d’une personne visée par ces informations, l’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de ses résultats les liens vers des pages web, publiées par des tiers, qui contiennent des informations relatives à cette personne… peu important que les informations litigieuses aient été ou non effacés de ces pages web, et ce, le cas échéant, même lorsque leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite.

Google et les autres moteurs de recherche doivent donc supprimer tous liens proposés en résultat à une recherche portant par exemple sur une requête de type « prénom + nom », à première demande de l’intéressé, dès lors que le demandeur justifie de son identité et du caractère privé des données.

C’est la raison pour laquelle Google s’est empressé de mettre en ligne un formulaire intitulé « Demande de suppression de résultat de recherche au titre de la législation européenne relative à la protection des données« . Le lien vers le formulaire a toutefois été supprimé parce que, en raison de ce lien, mon article avait été soigneusement désindexé par Google. Cette question de la difficulté à retrouver le lien vers ledit formulaire a d’ailleurs été très justement posée à David DRUMMOND, Chief Legal Officer de Google Inc., lors du « Advisory Council » de Google sur le Droit à l’Oubli, au Forum des Images (Forum des Halles) , le 25 septembre 2014 dernier. David Drummond n’a pas vraiment répondu à l’attaque, mais il n’a pas nié non plus lesdites désindexations des liens et des articles comprenant un lien vers ledit formulaire de droit à l’oubli.

Exception importante apportée par cet arrêt de la Cour de Justice : les personnes physiques ayant joué un rôle dans la vie publique ne pourront pas demander la suppression d’informations ou de données présentant un intérêt prépondérant pour le public à avoir accès aux informations et/ou aux données en question.

Monsieur Toutlemonde peut donc solliciter le retrait des informations se rapportant à lui via le formulaire de droit à l’oubli de Google… et il est en droit de s’attendre à ce que Google réponde favorablement à sa demande.

A l’inverse, une personnalité politique ou un « pipole » (people, star, célébrité), aura davantage de difficulté à voir supprimer un contenu… car le premier gardien de l’intimité de sa vie privée devient Google et non le juge.

Dans son arrêt, la CJUE a donc sauvegardé les intérêts financiers de la presse qui pourra continuer de faire ses choux gras des enfants illégitimes ou relations extra-conjugales de stars et de personnes politiques en vue.

Pour les autres personnes physiques, il faut reconnaitre une certaine efficacité de l’emploi du formulaire Google de droit à l’oubli.

Cependant deux choses ne doivent pas être oublié :

  1. Google n’est ni juge ni avocat et n’a pas vocation à substituer au pouvoir judiciaire : il ne faut donc pas s’attendre à des miracles de « justice privée » ; il restera toujours la solution du recours au juge pour la suppression de contenus litigieux ;
  2. Toutes les données personnelles dont vous êtes l’auteur sur la toile ne feront pas l’objet d’une désindexation par GOOGLE : si vous avez perdu le contrôle d’un compte de blog ou de réseau social, il faudra alors faire appel à la justice pour obtenir la suppression du compte piraté ou sur lequel vous subissez une usurpation d’identité numérique.

Enfin, il est à prévoir un certain encombrement des services de Google, qui met déjà beaucoup de temps à exécuter des décisions de justice qui leur sont adressées par voie postale ou acte extra-judiciaire.

Ceux qui espéraient des mesures exceptionnelles et une révolution pour la protection des données personnelles et de la vie privée risquent donc, pour partie, d’être déçus.

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Contrefaçon de dessins et modèles communautaires : la protection des design enregistrés et non enregistrés en Europe

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La Cour de Justice de l’Union Européenne vient de revenir sur les notions de dessins et modèles enregistrés et de dessins et modèles non enregistrés, dans un arrêtC‑345/13 du 19 juin 2014 « Karen Millen Fashions Ltd contre Dunnes Stores, Dunnes Stores (Limerick) Ltd ».

Dans cet arrêt l’Avocat Général, M. Melchior Wathelet, a pris le soin, dans ses conclusions du 02 avril 2014, de rappeler et d’expliciter le texte du règlement n°6/2002 DU CONSEIL du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires.

Rappelons à ce titre que le règlement européen dispose que la protection d’un dessin ou modèle par un dessin oumodèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel, ces critères se définissant ainsi :

  1. CARACTERE NOUVEAU : un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public :

    a) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois ;

    b) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle dont la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.

  2. CARACTERE INDIVIDUEL : Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public :
    a) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois ;

    b) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire  enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle dont la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.

La CJUE a suivi les conclusions de son avocat général en concluant que, dans le cadre d’actions en contrefaçon, un dessin ou modèle communautaire non enregistré doit être présumé valide si son titulaire indique dans quelle mesure il présente un caractère individuel.

Toutefois la question portait également sur la question de savoir si l’existence du caractère individuel du dessin ou modèle (ou du design) doit être examinée en référence seulement à un ou plusieurs dessins ou modèles individuels divulgués au public antérieurement, ou s’il doit également être examiné en référence à des combinaisons d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs.

Dans son arrêt du 14 juin 2014, la Cour constate juge que le caractère individuel d’un dessin ou modèle en vue de l’octroi d’une protection au titre du règlement doit être apprécié par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles précis, individualisés, déterminés et identifiés parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement.

Par conséquent, cette appréciation ne peut pas se faire en référence à une combinaison d’éléments spécifiques et isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs.

En conséquence pour s’assurer de la protection conférée par son dessin ou modèle, même non enregistré, le titulaire de droit doit donc simplement démontrer en quoi son dessin ou modèle présente un caractère individuel : c’est-à-dire qu’il doit identifier le ou les éléments du dessin ou modèle concerné(s) qui, selon lui, confère(nt) un tel caractère à celui-ci.

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Suppression et blocage de contenus sur internet : article 53 de la loi de 1881 (presse) ou article 6 LCEN

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Le Tribunal de grande instance de Toulouse, statuant en référé, vient de rendre un jugement (source : Legalis.net), par lequel il déboute le Procureur de la République, le CRIF, la LICRA et l’ACIT de leur demande tendant à supprimer l’accès à des sites internet à caractère antisémite.

Il est certes important de protéger la liberté d’expression, en soumettant les procédures pénales, ainsi que les procédures civiles, visant à engager la responsabilité des auteurs des messages incriminés au titre d’une infraction de presse à la rigueur procédurale de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (Cass. ass. plén., 15 février 2013, n°11-14.637).

Et n’apparaît pas forcément illogique le Conseil constitutionnel se soit prononcé en faveur de l’application du formalisme de l’article 53, y compris à l’assignation en référé : toute procédure doit respecter ce formalisme pour valablement limiter la liberté d’expression…

Cependant, cette affaire laisse un arrière goût amer : l’atteinte à l’ordre public perdure en raison d’un mauvais choix procédural certainement motivé par le soucis, infondé, de respecter inutilement le contradictoire : mon affirmation est sérieuse, le procureur a inutilement respecté le contradictoire en assignant la personne soupçonnée d’être l’auteur des propos incriminés.

Pour rentrer dans le détail de l’affaire présentée sur Legalis.net, la demande introduite par le Procureur,  le CRIF, la LICRA et l’ACIT était fondée sur l’article 6.1.8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 dite « LCEN » et sur l’article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

L’article 6.I.8 de la LCEN 8. permet à l’autorité judiciaire de prescrire en référé ou sur requête, à tout hébergeur ou, à défaut, à tout fournisseur d’accès à internet, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

L’article 50-1 la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit que si des publications à caractère antisémite ou raciste constituent un trouble manifestement illicite, l’arrêt du site internet (service de communication au public en ligne) peut être prononcé par le juge des référés, à la demande du ministère public et de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

Or, une demande tendant à la « fermeture » d’un site publiant des propos à caractère antisémite entre bien dans le cadre d’une procédure tendant à suspendre les effets d’une publication susceptible de porter atteinte aux droits d’un ou plusieurs individus (en l’occurrence de toute une communauté religieuse).

Et, pour suspendre les effets d’une publication reprise sur un site hébergé à l’étranger et peu coopératif avec les autorités françaises, la seule mesure envisageable consiste à bloquer l’accès aux URL concernées, voire l’accès au site entier, voire au(x) serveur(s)… et cela ressort de la compétence technique des fournisseurs d’accès à internet Darty Telecom, Free, SFR, Bouygues Télécom, Orange et Numéricable… raison pour laquelle on voit ces derniers pris dans la « toile » de cette procédure.

En conséquence, le Procureur de la République semblait, en théorie, parfaitement bien fondé à solliciter que soit ordonné le blocage du site litigieux sur le fondement des articles 6.I.8 de la LCEN et 50-1 de la loi de 1881.

Pourtant, le Conseil constitutionnel, saisi par QPC du 20 février 2013 transmise par la 1ère chambre civile  de la Cour de cassation,  dans une décision n°2013-311 QPC du 17 mai 2013, notamment au visa (!) de l’arrêt du 15 février 2013 de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, avait estimé qu’il n’y aurait pas de contradiction dans les dispositions de l’article 53 de la loi de 1881 et les dispositions gouvernant la procédure de référé en ce que leur combinaison permet un « droit à un recours juridictionnel » dans le cadre de « la protection constitutionnelle de la liberté d’expression » et du « le respect des droits de la défense ».

Et c’est de ces deux décisions de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel que le Tribunal de grande instance de Toulouse tire sa solution, laquelle est indiscutablement bien construite au plan procédural, malheureusement pour le Procureur,  le CRIF, la LICRA et l’ACIT qui voient la (potentielle) infraction perdurer malgré la gravité des propos tenus. C’est fort dommage et fort dommageable.

En fait, le Procureur a commis une erreur stratégique : l’article 6.I.8 de la LCEN n’exige pas que les auteurs soient attraits à la cause dans le cadre d’un référé afin de blocage de site internet.

Mais dès lors que le Procureur a fait le choix d’assigner en référé la personne faisant l’objet des poursuites au titre de l’infraction de presse, en plus des fournisseurs d’accès à internet (FAI), il s’est – malgré lui – contraint à devoir respecter le formalisme de l’article 53 de la loi de la presse lequel n’est exigé qu’au bénéfice de la personne poursuivie.

Toutefois, le dispositif de la LCEN permettait au Procureur de ne pas mettre dans la cause la/les personne(s) soupçonnée(s) d’être l(es) auteur(s) des publications incriminées : il pouvait se contenter d’assigner les FAI.

Il convient en effet de rappeler que le dispositif, certes incomplet, de la LCEN de 2004 est de faire face à la spécificité de l’internet afin de permettre, y compris sur requête, l’effacement de contenus publiés par des tiers non identifiés : en effet, sur internet, n’importe qui publie n’importe quoi, en tout anonymat (enfin cela est relatif), et la publication n’a pas de limite de durée ; à l’inverse une parution périodique papier a vocation à l’oubli, il y a une responsabilité en cascade et un directeur de publication aisément identifiable.

Or, en l’espèce, l’affaire en était à l’instruction signifiant par définition l’incertitude d’un lien entre les propos incriminés et la personnes poursuivie objet de l’instruction : on tombe dès lors très précisément dans le cadre de la LCEN ; malgré un soupçon quant à l’identité l’auteur, on agit sur le fondement de la LCEN pour faire effacer ou bloquer les contenus litigieux, sans mettre dans la cause la personne soupçonnée.

Le fait de ne pas avoir à poursuivre l’auteur soupçonné est le contrepoids de la spécificité de l’internet.

La LCEN a donc vocation à faciliter la procédure d’effacement ou de blocage des contenus publiés sur internet pour faire, sous réserve que l’on assigne pas l’auteur soupçonné.

En conséquence, face aux fournisseurs d’accès, pour bloquer le site, sans avoir à respecter l’article 53 de la loi de 1881 le Procureur aurait pu ne pas assigner le (pas encore) prévenu.

Il en est de même, face aux hébergeurs, en matière de nettoyage de e-reputation par voie d’ordonnance sur requête : le respect de l’article 53 ne s’impose pas… cependant, même dans cette matière, il convient de rappeler qu’il convient de motiver les motifs de faits et de droit sur le fondement desquels une mesure de suppression de contenu est sollicitée.

L’exercice en matière de requête afin d’ordonnance n’est pas formel comme dans le cadre de l’application de la procédure du droit de la presse, mais l’idée selon laquelle la motivation en fait et en droit doit être présente et cohérente demeure, afin de ne pas porter une atteinte excessive à la liberté d’expression.

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