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Faire effacer/supprimer des contenus sur internet : FAQ ereputation

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Un contenu me concernant ou concernant mon entreprise a été posté sur internet : puis-je le faire supprimer ?

La question de l’effacement d’une information, d’une image ou d’une vidéo est directement liée à la qualification du type d’atteinte portée aux droits de la personne visée (qu’elle soit une entreprise ou une personne physique).

Afin de demander une suppression de contenu, il faut prouver qu’un préjudice est subi par la personne estimant être victime de l’indélicate publication internet… et, surtout, il faut démontrer l’abus commis par la personne ayant publié le contenu litigieux.

Sans abus, pas de retrait : c’est la protection de la liberté d’expression qui le veut.

Pour qu’il y ait « atteinte », il faut d’abord que la victime soit nommément citée, identifiée, aisément identifiable ou s’agissant d’une photo ou d’une vidéo aisément reconnaissable.

Lorsque la victime est nommément citée (nom et prénom), la question de l’atteinte ne pose aucune difficulté, étant entendu que la citation du seul prénom de la victime peut, dans certaines circonstances, suffire (personne célèbre ou photos accompagnant commentaire, par exemple).

Lorsque la personne n’est pas clairement nommée, il faut qu’elle soit identifiable (informations relatives à des faits ou une société suffisant à identifier une personne physique, un dirigeant de société, par exemple)  ou aisément reconnaissable (photos ou vidéos prises en qualité et distance suffisante pour distinguer les traits du visage ou un élément d’identification caractéristique).

Le critère est alors apprécié souverainement par le juge.

Quels types d’atteintes / de préjudices / d’abus doivent être en jeu pour permettre le retrait d’une publication sur internet ?

L’atteinte doit être caractérisée, d’une part, par un préjudice certain et prouvé, et d’autre part, par un abus commis par la personne ayant posté le message, l’avis, la photo ou la vidéo litigieuse.

Les cas les plus fréquents sont notamment l’injure et la diffamation d’une personne nommément désignée. Le préjudice, dans ce cas, est une publication nuisant à l’honneur et à la considération (préjudice moral). L’abus quant à lui se caractérise par le caractère outrageant de l’injure ou le caractère non prouvé des déclarations faites (ndla : « non prouvé » ne signifie pas forcément que c’est faux, mais qu’il est impossible d’apporter une preuve de vérité).

Viennent ensuite les photos ou vidéos de personne physiques, prises dans l’intimité de leur vie privée (atteinte à l’image de la personne), au rang desquelles l’atteinte la plus fréquente demeure la photographie ou la vidéo prise par un ex et mise en ligne sur internet. Ces contenus sont généralement accompagnés de commentaires incluant le prénom voire le nom de la personne nue y figurant et il n’est donc pas difficile de démontrer le préjudice subi.

L’abus, dans ce deuxième cas de figure, consiste à ne pas avoir reçu d’autorisation préalable afin de la fixation/captation, de l’enregistrement ou de la transmission de l’image d’une personne.

Enfin on trouve, également, des cas de concurrence déloyale (par dénigrement) commis par des concurrents d’une entreprise qui postent, par exemple, des « faux » avis sur des sites permettant de créer des fiches d’évaluation des produits ou services de différents secteurs d’activité.

Ces cas sont toutefois plus rarement prouvé, en raison notamment de la difficulté d’obtenir l’identité de l’auteur des propos dénigrants.

Dois-je nécessairement faire un constat d’huissier ?

Si des poursuites civiles ou pénales sont envisagées, oui, c’est absolument nécessaire.

Avec les échanges de courriels, c’est le seul mode de preuve recevable en justice, les captures d’écrans ou les impressions de pages sur imprimantes ou, pire, dans un fichier PDF n’étant absolument pas considérée comme un mode de preuve recevable devant Cours et Tribunaux.

Ainsi si un retrait est demandé de manière judiciaire, un constat est indispensable et il doit être fait préalablement à toute notification de demande de retrait et/ou à toute saisine du juge.

Le constat d’huissier n’est pas indispensable dans l’unique hypothèse où l’on sait que l’on agira pas contre l’auteur des contenus litigieux et qu’on ne fera pas de demande de suppression de contenu auprès du juge.

Or, il est de plus en plus fréquent de devoir recourir au juge afin d’obtenir le retrait d’information portant atteinte à l’honneur ou à la vie privée / image d’une personne.

Il est donc fortement conseillé de faire réaliser par un huissier un constat reprenant : les constatations de bases des faits, propos et/ou vidéos alléguées (avec des captures d’écran réalisées par l’huissier).

Peut-on saisir immédiatement le juge d’une demande de suppression de contenu ?

En principe, oui, on peut saisir le juge dès qu’un constat d’huissier est réalisé.

La loi dite « LCEN » de 2004 permet en effet de saisir le juge sur requête ou en référé afin de demander toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

Cela signifie qu’il est possible, en principe, de demander le retrait d’un commentaire, d’un article de blog, d’un post sur un forum, d’une vidéo ou d’un photo sur tout site ou réseau social, en demandant une simple ordonnance au juge.

Toutefois, en pratique, les juges exigent de manière quasi systématique que la victime (ou son avocat) ait préalablement notifié à l’éditeur ou à l’hébergeur du site internet ou de réseau social concerné une demande de suppression dans les formes et conditions édictées par la loi dite « LCEN ».

Dans quels délais doit-on agir ?

Lorsque les propos publiés sur internet consistent en une provocation à la commission de certains délits, une diffamation ou une injure le délai imposé par le droit de la presse pour agir en responsabilité est très court : il est de trois (3) mois à compter du premier jour de la première publication (mise en ligne ou publication presse) du contenu litigieux.

Dans les autres cas, le délai pour agir varie de 3 à 5 ans à compter de la publication.

Pour demander l’effacement d’une publication, même si cette publication relève du régime du droit de la presse (délai de 3 mois pour agir en responsabilité), la LCEN ne précise pas qu’il faille être dans le délai de 3 mois.

Toutefois, en pratique, de nombreux magistrats exigent, pour protéger la liberté d’expression, qu’on soit toujours dans le délai de 3 mois, même pour faire jouer une simple demande de suppression de contenu.

A mon sens, cette exigence des magistrats est excessive, notamment au regard de la spécificité d’internet (ndla : cf. le fait que « n’importe qui » peut publier dans l’anonymat, ce qui n’est pas du tout le cas des organes de presse soumis à une responsabilité en cascade et à des mesures de publicité obligatoire).

Combien coute une demande de suppression ?

Le coût d’une demande de suppression commence à 80 EURO TTC (hors frais de timbres postaux) en fonction du nombre de publications à supprimer. Et l’enveloppe moyenne, procédure judiciaire de demande de retrait incluse (par voie de requête) se situe aux alentours de 1160 EURO TTC.

Ces montant peuvent varier substantiellement, notamment lorsqu’on doit procéder par voie de requête(s) afin d’ordonnance(s)… en fonction des difficultés rencontrées et du nombre de requêtes que l’avocat est contrait de déposer plusieurs requêtes.

En tout état de cause, de nombreuses assurances couvrant l’habitation ou les locaux professionnels prévoient des polices « assistance juridique/judiciaire » et une partie des frais de l’avocat peuvent être pris en charge par l’assureur (environ 600 EURO TTC pour une procédure de type « référé » ou « autre demande devant le Président du TGI »).

En tout état de cause, il faut savoir que certaines sociétés de droit étranger sont parfois rétives à exécuter une ordonnance du juge rendue sur requête et qu’une seule ordonnance sur requête ne suffit pas toujours pour obtenir l’effacement ou du moins la disparition des informations concernées.

En fin de course, contrairement à ce qu’indique la loi (LCEN), il n’est quasiment jamais possible de demander le bannissement d’une adresse IP, d’une adresse URL ou d’un serveur auprès des opérateurs de téléphonie (ADSL et mobile) pour empêcher l’accès à des informations préjudiciables hébergées à l’étranger, sur des sites qui ne se conforment pas à la réglementation française et aux décisions de justice françaises.

A ce jour seule l’ARJEL dispose d’un tel pouvoir, car il est assorti de l’obligation de payer les frais des opérateurs au titre de telles opérations de bannissement qui ont un coût substantiel.

Il faut savoir enfin que les requêtes afin d’ordonnance ne sont pas contradictoires (il n’y a pas de partie adverse, mais seulement l’avocat de la victime qui présente des demandes au juge).

Par conséquent, certains magistrats sont très prudents (voire un peu trop prudents) quant à l’octroi (ou non) des mesures préventives sollicitées.

Cela produit parfois des situations de déconvenues surprenantes au détriment de certaines victimes.

Un procès peut-il valoir le coup (ou le coût) ?

Une procédure classique (au fond ou en référé) suppose le respect du contradictoire, un calendrier procédural plus long, et l’observation de règles de fond, de forme et de procédure particulières.

Ces procédures sont donc plus longues et plus couteuses en honoraires d’avocat (selon les cas de figure, la complexité de l’affaire et la durée de la procédure).

Dans le cadre d’une procédure contradictoire, à l’inverse des procédures sur requête afin d’ordonnance, le demandeur peut certes solliciter une indemnité au titre de l’article 700 Cpc (au civil) ou de l’article 475-1 du Cpp (au pénal), ce qui correspond notamment aux frais d’avocat liés à la procédure.

Toutefois, la condamnation est souvent symbolique par rapport aux honoraires réellement acquittés à l’avocat, surtout face à un particulier, et à plus forte raison si ce dernier dispose de faibles revenus.

De plus, la capacité de recouvrer les condamnations, y compris les frais de procédure et d’honoraires d’avocat, est souvent très limitée, surtout lorsque l’atteinte est commise par un particulier dont la surface financière est limitée.

Il faut donc avoir de bonnes raisons et notamment une solide envie de faire payer l’autre, quelqu’en soit le prix, car il ne s’agit pas ici de récupérer, comme certaines victimes le croient parfois de copieux dommages intérêts. C’est plus souvent l’inverse qui se produit, sans compter que pour une bête question de preuves ou de procédure, on peut aboutir à une décision déboutant le demandeur…

Cependant, dans le cadre d’une procédure contradictoire, même en référé, les juges accordent des mesures beaucoup plus contraignantes que dans le cadre d’une procédure d’ordonnance sur requête.

Il y a donc, dans certains cas, un intérêt à recourir notamment au référé afin d’obtenir l’effacement des contenus litigieux, sous astreinte, voire avec l’octroi d’une provision sur dommages intérêts. Ce cas de figure se retrouve notamment dans le cas où un éditeur négligeant omet de satisfaire à une notification LCEN éventuellement suivie d’une ordonnance ordonnant la suppression d’une information, d’une photo ou d’une vidéo.

Faut-il recourir aux services d’une société de nettoyage de e-reputation ?

La procédure de suppression des contenus est parfois longue, surtout lorsque les décision obtenues doivent être exécutées par des sociétés de droit étranger.

Pour prendre un exemple, un société de droit américain gérant un gros moteur de recherche peut parfois obtempérer à une demande faite par courrier A.R. après un délai de plus d’un mois et demi. Parfois, c’est plus rapide, mais c’est loin d’être systématique.

Dans d’autres cas la suppression par des voies juridiques n’est tout simplement pas possible (soit parce qu’il n’est pas possible d’identifier l’éditeur du service, soit parce que les fournisseurs d’accès français ne peuvent pas limiter l’accès à un service ou un serveur ou une adresse IP sans porter préjudice à d’autres services ou d’autres contenus non concernés par la demande).

Dans ce cas, des sociétés comme NET OFFENSIVE proposent des solutions pour « nettoyer » ou du moins dissimuler certaines informations dans les résultats des moteurs de recherche.

Dans tous les cas, il faut utiliser les services d’une société de nettoyage de eréputation qui est assistée d’un avocat connaissant bien la matière car, seule, elle ne pourra aucunement obtenir les mesures et les décisions de justice que seul un avocat peut soutenir.

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Dénigrement par voie de presse et sur internet : la e-reputation en droit des affaires

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Peut-on tout écrire au titre de la liberté d’expression sur un concurrent ou un ex-partenaire commercial sans nuire à sa eReputation ? Quel est la limite à ne pas franchir pour ne pas tomber dans un abus de liberté d’expression ? Enfin, en matière de e-réputation, quels sont les critères permettant de distinguer diffamation et dénigrement ?

Voilà autant de questions auxquelles la Cour de cassation s’attache à répondre en ce moment.

Par un arrêt du 24 septembre 2013, la Cour de cassation avait déjà jugé que toute divulgation critique à l’égard d’un concurrent, même justifiée par la non-conformité d’un produit aux normes françaises ou européennes, est susceptible de constituer un dénigrement (voir notre article du 10 octobre 2013 dernier, à ce sujet).

Cette fois, par un arrêt n° 1354 du 27 novembre 2013 (12-13.897), la Première chambre civile de la Cour de cassation vient apporter un éclairage supplémentaire quant à la notion de dénigrement et les conséquences du dénigrement entre professionnels.

Rappel des faits :

Un agent général d’une société d’assurance manifeste son intention de démissionner de ses fonctions pour transmettre l’exercice de ses mandats à ses deux fils, qu’il employait comme collaborateurs.

La société d’assurance mandante refuse d’agréer la candidature de ses enfants, confie la gestion des portefeuilles à d’autres intermédiaires et elle interrompt les connexions informatiques de l’agent général.

Ce dernier dénonce la situation au moyen d’un “blog”, d’affiches ou d’articles de presse et de lettres circulaires adressées à la clientèle.

Déplorant la publicité négative faite à sa e-réputation, la société d’assurance lui notifie sa révocation avec effet immédiat.

Position de la Cour de cassation :

Rejetant le premier moyen de l’agent général sur la cause de la révocation du mandat d’agence, la Cour de cassation retient que si l’exercice de la liberté d’expression ne constitue pas une faute professionnelle justifiant la révocation d’un agent général d’assurances, c’est sous réserve que cet exercice n’excède pas les limites du droit de critique admissible en regard du devoir de loyauté découlant du mandat d’intérêt commun qui le lie à l’entreprise d’assurances.

Il est vrai que l’agent général n’a pas hésité, dans cette affaire, à conduire une partie de la clientèle, inexactement informée, à résilier ses contrats pour en souscrire d’autres auprès d’entreprises d’assurances concurrentes, par l’intermédiaire du cabinet de courtage géré par son épouse.

Dans ces conditions, la Cour ne pouvait faire autrement que de reconnaitre le dénigrement et les actes de concurrence déloyale.

Mais cet arrêt rappelle également une nouvelle distinction quant à l’action menée en matière de concurrence déloyale et dénigrement, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et l’action en diffamation, fondée, quant elle, sur l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

En effet, la Cour d’appel de Besançon avait relevé que les propos dénigrant l’activité de la société d’assurances avaient jeté le discrédit sur ses produits et services, en incitant une partie de sa clientèle à s’en détourner, ce dont il résultait un abus spécifique de la liberté d’expression.

Cependant, la Cour d’appel avait cru bon de rejeter les demandes de la société d’assurance en soulignant que les abus de la liberté d’expression commis par voie de presse ne relèveraient pas de la responsabilité civile de droit commun et ne pourraient pas être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil, mais sur le fondement de l’article 29 de loi du 29 juillet 1881.

La Cour de cassation vient sanctionner le raisonnement de la Cour d’appel en soulignant que le dénigrement (Art. 1382 du code civil) a vocation à s’appliquer par exception à la diffamation (art. 29 L. 29 juillet 1881), dès lors que  propos litigieux avaient pour effet ou pour objet de jeter le discrédit sur les produits et service d’un concurrent en incitant une partie de sa clientèle à s’en détourner.

Ce nouvel arrêt a donc le mérite d’illustrer parfaitement comment définir les contours du dénigrement, en s’affranchissant des règles applicables à la diffamation entre professionnels, dès lors que la publication litigieuse a vocation à détourner la clientèle d’un concurrent ou d’une partenaire.

Par conséquent, dans le cas du dénigrement, l’article 1382 du Code civil s’applique dès lors qu’il y a atteinte à la réputation d’une entreprise par la critique de ses produits ou services (que la critique soit avérée ou infondée) créant ainsi une ambiance de concurrence délétère afin de captation de clientèle.

En revanche, la diffamation porte sur la seule atteinte à l’honneur et à la réputation d’une personne morale et physique, par la publication de propos faisant état de faits matériellement inexacts, et sans qu’il soit nécessaire de poursuivre un but de captation ou de détournement de clientèle.

En d’autres termes, si les propos litigieux sont publiés dans un but de concurrence déloyale et donc de dénigrement, l’entreprise victime de tels agissements peut agir sur le fondement de 1382 du Code civil et s’affranchir notamment du délai de prescription court applicable aux infractions de presse (3 mois à compter du jour de première publication).

A défaut de preuve de la poursuite d’objectifs de concurrence déloyale, les propos relèvent alors de l’article 29 de loi du 29 juillet 1881, à savoir de la diffamation ou de l’injure.

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eRéputation & Dénigrement : toute divulgation critique à l’égard d’un concurrent, même justifiée par une non-conformité, est susceptible de constituer un dénigrement

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Par un arrêt du 24 septembre 2013, la Cour de cassation vient de juger que la critique formulée à l’encontre d’un produit ou service d’un concurrent engage la responsabilité de son auteur au titre de concurrence déloyale par dénigrement, peu important que la critique formulée soit fondée et avérée.

La Cour de cassation rappelle en outre que les juges du fond ont tout loisir de prononcer une mesure de publication judiciaire, en sus des dommages-intérêts alloués à la victime, dans l’exercice de leur pouvoir souverain, si cette mesure étant jugée propre à réparer le préjudice subi par la campagne de dénigrement.

Dans cet arrêt, la Cour estime en effet que la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu’elle soit exacte.

Les faits de cette jurisprudence sont relativement simples et transposables à toute matière.

Dans le cas d’espèce, une société commercialisant des bouteilles de butane d’un format particulier (190 gr) s’est aperçue que l’un de ses concurrents commercialisait un produit ne répondant pas aux normes en vigueur pour ce type de bouteilles de gaz pour appareils de camping.

Croyant être dans son bon droit, cette société a adressé des courriers à différents distributeurs pour les informer de cette non-conformité.

C’est en cette communication que la Cour de cassation a estimé qu’il y avait dénigrement.

Il est intéressant de noter que l’auteur du dénigrement, dans ses conclusions, expliquait qu’il n’avait pas averti la DGCCRF, au motif : que « l’intervention de cette dernière aurait été différée et partielle » ; et qu’une telle saisine aurait été peu adaptée à la situation, exposant à des sanctions des sociétés qui étaient par ailleurs ses clientes.

On comprend bien ce que voulait indiquer cette société et elle a partiellement raison dans la mesure ou la DGCCRF n’a pas toujours une action aussi coercitive qu’on pourrait le souhaiter.

Malheureusement l’argument apparait toutefois un peu maladroit dans la mesure où il souligne que l’auteur du dénigrement a visé un concurrent d’une attaque tout en protégeant ses propres partenaires.

C’est précisément un des critères d’un comportement déloyal.

Sur la réparation du préjudice, la Cour de cassation nous apporte là aussi un éclairage intéressant.

La défenderesse à la cassation expose que l’octroi et de dommages-intérêts et d’une mesure de publication au profit de la victime et non seulement excessif, mais également qu’une telle publication n’est prévue par aucun texte.

L’argument invoqué fait implicitement référence aux articles L.331-1-4 (en matière de droit d’auteur et bases de données), L.521-8 (en matière de dessins et modèles), L.615-7-1 (en matière de droit des brevets) et L.716-15 (en matière de droit des marques) du Code de la propriété intellectuelle.

En effet, dans ces matières, la réparation / sanction par mesure de publication de la décision de justice ou d’un extrait de celle-ci peut être ordonnée.

L’argument est intelligent : il consiste à soutenir qu’une mesure de publication est une forme de sanction, non prévue par la loi (et notamment une loi pénale, une incrimination), et par conséquent illicite.

Toutefois, la réponse de la Cour à ce moyen n’est pas moins habile.

La réponse de la Cour revient à dire de manière synthétique : non, il ne s’agit pas d’une sanction, mais d’une mesure de réparation décidée souverainement pas les premiers juges.

Il résulte de cette très intéressante jurisprudence que la critique, même objective et avérée, sur un produit ou un service d’un concurrent (frappé de non conformité, voire même d’une autre tare plus grave) est susceptible d’être qualifié d’acte de concurrence déloyale par dénigrement.

L’autre enseignement s’apparente au « retour de bâton » : celui qui a voulu être arroseur, se retrouve arrosé… et dans des proportions bien plus importantes, puisque quelques correspondances privées ont valu à leur malheureux auteur d’être cloué au pilori sur la place publique.

En effet, dans le cas d’espèce pour deux ou trois courriers adressés à des professionnels du secteur, l’auteur du dénigrement voit un extrait du jugement à son encontre publié sur son propre site internet ainsi que dans deux magazines, le tout à ses frais, bien entendu.

La sanction a de quoi faire réfléchir.

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e-Réputation & vie privée, intimité ou nudité sur internet : faire retirer des photos ou des vidéos

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Différentes circonstances peuvent conduire des personnes à se mettre à nu, volontairement ou non, devant l’objectif de leur petit(e)-ami(e), mari ou conjoint(e)… ou même devant un(e) photographe ou vidéaste amateur et/ou auto-producteur (ou auto-éditeur).

Les photographies ou vidéos de « nus », publiées sur internet par un ex ne sont pas une fatalité que l’on doit accepter de subir, quand bien même ces photos ou videos ont été prises avec le consentement de la personne photographiée ou filmée.

FAISONS TAIRE LA HONTE

Qu’on soit ou non mannequin, modèle ou actrice, professionnelle ou amateur… chacun(e) bénéficie au titre de la protection de sa vie privée, en particulier lorsqu’il s’agit de son intimité, d’une protection étendue.

Et, non, même si un Procureur de la République vous a écrit le contraire, il ne suffit pas que vous ayez été d’accord pour poser devant l’objectif pour que vous n’ayez plus la possibilité d’exercer des recours et/ou des droits contre celles ou ceux qui exploitent votre image sans votre accord.

Deux cas sont à distinguer :

  • Les photos ou vidéos sont prises et/ou reproduites et/ou diffusées sur internet sans l’accord de la victime ;
  • Les photos ou vidéos sont prises et/ou diffusées sur internet avec l’accord de la victime ;

Dans le premier cas, il n’y a pas de discussion, une photo ou une vidéo d’une femme ou d’une ex petite amie, nue ou habillée ou en tenue déshabillée, mise sur internet, est une atteinte à la vie privée : il suffit que la personne photographiées n’ait pas exprimé son accord pour la prise de la photo et/ou pour sa diffusion pour qu’elle puisse poursuivre toute exploitation non autorisée de son image.

L’auteur des faits peut être poursuivi en justice, y compris au pénal, pour violation de la vie privée (délit puni par 1 an d’emprisonnement et 45.000,00 EURO d’amende). Dans de nombreux cas, soumis à l’attention du cabinet, des plaintes auprès du Procureur de la République ont été classées sans suite… Cela ne signifie toutefois pas que le Procureur a raison ou que les poursuites doivent nécessairement s’arrêter là !

Dans le deuxième cas, il faut apprécier selon le cas d’espèce : cela dépend s’il y a un abus dans l’exploitation de l’image ou non.

Et il y a très souvent des abus :

  • soit parce que l’exploitant a excédé les limites de l’autorisation / ce l’accord qui avait été donné par le modèle ;
  • soit parce que le contrat ou le document qui justifie des droits d’exploitation de l’image est illicite, irrégulier ou entaché de nullité ou de caducité.

Ainsi, l’expérience démontre que même si un contrat de cession / autorisation de droit à l’image a été signé par la victime, cette dernière a des droits.

On soulignera notamment que la durée et le territoire d’exploitation de l’image doivent être précisés au contrat, de manière à permettre un engagement exempt de vice.

De même, il faut préciser si une rémunération est perçue, à quel titre et en fonction de quels paramètres (ce qui renvoie à la durée et aux territoires visés pour l’étendue de l’exploitation).

Autant dire que la rédaction d’un contrat de cession / autorisation d’utilisation de l’image d’une personne n’est pas simple et qu’elle est souvent erronée, voire parfois trompeuse.

Autant de motifs de nullité du document signé.

En tout état de cause, au bout d’un certain temps et en fonction des circonstances de ses changements de vie, le modèle / l’actrice / le mannequin ayant posé nu(e) peut notamment faire valoir son « droit au repentir ».

Elle peut donc demander la suppression des photos ou vidéos érotiques ou pornographiques, sous certaines conditions.

Il s’agit d’une sorte de « droit à l’oubli » (le terme est impropre juridiquement mais assez parlant…).

Sur ce fondement juridique, le retrait de la vidéo ou de la photo porno ou érotique ou de nu artistique peut être prononcé, y compris par décision de justice.

A ce titre, il faut bien comprendre que la matière n’est pas enfermée dans des règles écrites, mais dans une appréciation faite souverainement par la justice.

Il existe un certain aléa, mais qui peut faire craindre une décision dans les deux sens.

La plupart du temps, l’exploitant (la société de production ou le producteur) sont prêts à négocier un retrait de la vidéo porno ou de la photo de charme, plutôt que de risquer une condamnation pour un contenu alors qu’il en ont des centaines à exploiter.

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eReputation : le régime contesté de la prescription des délits de presse commis sur internet

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En vue de garantir la liberté d’expression, L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 a prévu un délai de prescription de trois mois pour les infractions de presse (diffamation et injure, notamment).

Après des hésitations jurisprudentielles entre 1999 et 2000, en rendant un arrêt en date du 30 janvier 2001, la Cour de cassation a estimé qu’il appartenait aux juges du fond de rechercher la date de première publication de tout écrit numérique litigieux en vue de lui appliquer le même régime prescription que celui en vigueur pour les publications papier.

La rédaction actuelle de la loi est une gageure pour la gestion d’une eReputation, les victimes d’abus étant trop souvent privées de toute possibilité de voir réparer leurs préjudices.

Votée en juin 2004, la LCEN (Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique) a tenté d’introduire un régime de prescription plus long pour les délits de presse commis sur internet, afin de prendre en compte la « spécificité de l’internet » (Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 – publiée au JORF N°143 du 22 juin 2004).

Toutefois, cette tentative d’innovation législative a été censurée par le Conseil Constitutionnel, juste avant la promulgation de la loi (Décision n° 2004-496 DC en date du 10 juin 2004).

En effet, la LEN prévoyait que les délits de presse commis exclusivement sur internet se prescriraient « après le délai prévu par l’article 65 de ladite loi à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message susceptible de déclencher l’une de ces actions ».

Selon le Conseil Constitutionnel et de nombreux critiques, une telle disposition aurait eu pour effet de rendre quasi-imprescriptible tout délit de presse commis sur internet, et portait de ce fait atteinte à l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, portant la liberté de la presse et la liberté d’expression.

A ce jour, du fait de l’annulation de ces dispositions novatrices, seul le régime de prescription de trois mois de la loi de 1881 serait donc en vigueur, y compris pour les délits de presse commis (même exclusivement) sur internet.

Cours et Tribunaux font donc application de ce texte et ont notamment pour mission de rechercher la première date de publication de l’écrit litigieux, quelqu’en soit le support, pour juger de la recevabilité de la demande leur étant soumise.

Deux conséquences à cela :

1. Un écrit publié dans la presse peut ensuite être publié sur internet, après le délai de trois mois, sans risque pour son auteur d’être inquiété (s’il ne l’a pas déjà été pendant les trois mois précédents, à compter du jour de la publication dans la presse) ;

2. Le texte publié sur internet le 1er janvier, mais devenu visible le 10 avril par exemple, est hors de tout champ d’application de la loi : invisible sur le net pendant trois mois, il l’est aussi au yeux de la loi, du fait de l’application à l’internet d’un droit de la presse, inadapté.

Ainsi, de nombreux délits de presse commis sur internet ne sont pas, et continueront de ne pas être, punis en raison de cette prescription (trop) courte.

Si la prescription courte de trois mois a une justification afin de la protection de  la liberté d’expression des organes de presse et des journalistes ; il ne faut pas oublier que les éditeurs de presse papiers sont soumis à un certain nombre d’obligations qui ne pèsent pas sur le titulaire d’un site web.

On citera notamment à la charge des professionnels de la presse et de l’audiovisuel : les innombrables dépôts encadrant la publication de presse (légal, judiciaire, administratif…), auxquels s’joutent « l’ours » et la responsabilité en cascade.

A l’inverse, la publication d’un site web par un non professionnel, ne requiert aucune déclaration préalable, aucune mention obligatoire, aucun dépôt légal.

De plus, comme expliqué plus haut, contrairement à la presse papier, nécessairement périodique et ayant donc vocation à l’oubli, la publication sur internet a vocation à une popularité croissante, au regard de la fréquentation du site internet et du travail des robots et des services d’indexation des moteurs de recherche.

On peut imaginer, sans vouloir refléter une réalité quelconque, ni dresser un profil psychologique de l’internaute « moyen », que plus un site sera diffamant, injurieux ou obscène, plus il sera visité et donc visible dans les moteurs de recherches… pour peu qu’on y diffuse du contenu interactif en plus du texte…

En ajoutant à cela un doigt de commentaires d’internautes et le contenu litigieux évolue tous les jours et il rapporte encore plus d’audience !

C’est en cela précisément que la jurisprudence entre 1999 et 2001 évoquait la « spécificité de l’internet » : l’internet c’est du contenu interactif, mis à jour en temps réel, dont la popularité croit avec le temps… tout l’inverse de la presse papier.

En conséquence, et pour schématiser, si un écrit en presse papier tombe dans l’oubli rapidement…  sur internet, le même écrit commence dans un océan d’oubli, et voit croître sa notoriété avec le temps.

Dernière critique, et non la moindre : la publication sur internet permet des fraudes que ne permet pas la publication de presse papier.

Par choix nous ne citons plus les différentes fraudes permettant de dissimuler un écrit sur internet afin de ne pas en faire l’apologie.

Quoiqu’il en soit, la prescription du droit de la presse étant trop largement appliquée à l’internet, la gestion de la eRéputation devient un parcours du combattant.

Il parait donc nécessaire que le législateur crée un régime de prescription spécifique au délit de presse numérique, comme cela avait été tenté en 2004. Mais différemment, cette fois.

Il serait alors question de fixer un délai de prescription plus long, tout en conservant le principe de la date de première publication sur internet, pour éviter l’effet d »imprescriptibilité du délit.

L’internet et la presse papier étant trop radicalement différents quant à leur portée dans le temps et leur facilité de mise en oeuvre pour se voir appliquer un même régime de prescription.

Mise à jour du 12/10/2008  :

Cette opinion qui était partagée par de nombreux professionnels de l’édition et du droit s’est vue récemment concrétisée dans un projet de loi tendant à réformer le régime du délit de presse commis par voie de communication électronique en ligne.

En effet, le Sénat est à l’origine d’une proposition de loi dont le texte peut-être retrouvé <a/href= »http://www.senat.fr/leg/ppl07-423.pdf »>ici</a> :  ; et dont le texte, simple et brillant, est le suivant :

« Article unique

Le dernier alinéa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la

liberté de la presse est ainsi rédigé :

« Le délai de prescription prévu au premier alinéa est porté à

un an si les infractions ont été commises par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d’une publication diffusée sur support papier. » »

Cette formulation, ajoutant un alinéa au texte de l’article 65 sus visé actuellement en vigueur, validerait que le délit commis en vertu d’une première publication sur internet d’un texte – différent de ceux qui auraient pu paraître auparavant dans la presse – serait désormais prescrit par 1 an et non par 3 mois.

Des critiques se font déjà entendre à ce titre en soulignant que ce délai d’un an serait encore trop long.

Pourtant, ne leur en déplaise, ce délai est encore plus court que la plupart des délais applicables en matière délictuelle : le droit commun prévoit en effet une prescription de principe de 3 ans pour les délits.

Fervents défenseurs de cette petite réforme pour un monde plus juste, nous espérons qu’elle sera bientôt votée et promulguée.

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