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Droit des brevets : de la contrefaçon à la nullité du brevet pour défaut de nouveauté ou d’activité inventive

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Agir en contrefaçon contre un concurrent en vertu d’un brevet d’invention n’est pas sans risque : le défendeur dans un procès en contrefaçon a la faculté d’invoquer la nullité du brevet, soit pour défaut de nouveauté, soit pour défaut d’activité inventive. Il convient donc, avant d’agir en justice, de prendre soin d’analyser scrupuleusement les forces en présence, le brevet et ses revendications, la date de sa première mise en oeuvre, ainsi que les modes de divulgation du procédé protégé.

De même, un soin particulier doit être apporté aux opérations de saisie-contrefaçon car la nullité des opérations peut anéantir tout le système de preuve nécessaire à la démonstration de la contrefaçon.

Enfin, la conduite du procès en contrefaçon nécessite une certaine prudence pour ne pas voir la procédure se retourner contre soi alors qu’on était demandeur au départ : le fait d’annoncer à des clients ou des prospects qu’un procès en contrefaçon est en cours contre un concurrent est susceptible d’être qualifié d’acte de concurrence déloyale par dénigrement.

Dans un jugement rendu le 10 octobre 2013, le Tribunal de grande instance de Paris a eu l’occasion de se prononcer, une fois n’est pas coutume : sur la nullité du brevet pour défaut de nouveauté ; sur la nullité d’une saisie contrefaçon pour défaut de signature de la requête par l’avocat de la requérante ; et sur la demande reconventionnelle du défendeur (c’est à dire du prétendu contrefacteur) au titre du dénigrement.

La nullité des opérations de saisie-contrefaçon pour défaut de signature de la requête

Dans cette affaire le Tribunal a retenu que « l’absence de signature de la requête vicie l’ensemble des actes subséquents et le tribunal est compétent pour prononcer la nullité des procès-verbaux des opérations de saisie réalisées (…). »

En effet,  les deux requêtes présentées au nom de la société demanderesse n’étaient pas signées : si elles mentionnaient que l’avocat auteur de la requête était l’avocat de la société demanderesse, cette seule mention ne permettaient pas de connaître l’identité et la qualité de la personne ayant effectivement formulé la requête en l’absence de toute signature.

Cette absence de signature de la requête afin de saisie-contrefaçon constitue un vice de fond qui entraîne la nullité de l’acte sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un grief.

De plus, le Tribunal vient confirmer qu’en matière de saisie-contrefaçon, les dispositions de l’article 496 alinéa 2 du Code de procédure civile  ne font pas obstacle à ce que le juge du fond appréciant la validité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler des procès-verbaux de saisie pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l’ordonnance, outre le fait que la faculté lui en est expressément réservé parle Code de la propriété intellectuelle.

Par conséquent, l’ensemble des demandes fondées sur la contrefaçon du brevet dont la protection était sollicitée reposant uniquement sur les informations et documents obtenus lors des saisies contrefaçon, ont été rejetées par le Tribunal en l’absence de tout élément de preuve valide.

La nullité du brevet pour défaut de nouveauté

Dans cette affaire le Tribunal constate qu’une notice, datée d’avril 2005, publiée sur le site Internet de la société demanderesse, quoique postérieure au dépôt du brevet effectué en juillet 2003, indique néanmoins que depuis dix ans la technologie protégée par le brevet litigieux dans différents marchés… la société demanderesse expose donc sur son site internet qu’elle exploite la technologie de son brevet depuis plus de 7 ans avant que n’en soit déposée la demande de brevet.

C’est l’exemple type du procédé frappé d’un défaut de nouveauté et rendant le brevet nul.

Il convient en effet de rappeler ici que l’INPI n’effectue pas de contrôle a priori sur la validité et la nouveauté du brevet : cette hypothèse est donc beaucoup plus fréquente qu’on ne le pense et c’est la raison pour laquelle il est important de toujours examiner le critère de nouveauté d’un brevet de manière approfondie que l’on soit en défense ou que l’on prévoit d’assigner en contrefaçon.

Le Tribunal conclue donc sa découverte ainsi : « Il ressort ainsi de cette notice datée de 2005 que la société [demanderesse] commercialise un procédé de filtrage avec décolmatage automatique des diatomées par injection d’eau et d’air comprimé depuis 10 ans soit depuis 1995. Ainsi cette notice réalisée par la société [demanderesse] constitue une preuve d’une divulgation du procédé objet de l’invention, antérieure au dépôt du brevet. (…) Ainsi la société [demanderesse] ayant divulgué l’invention telle que présentée dans la revendication n°1 avant d’avoir procédé au dépôt du brevet, celle-ci ne présente pas le caractère nouveau requis par la loi et doit être déclarée nulle.« 

En voulant se faire sa publicité, la société demanderesse s’est donc tiré une balle dans le pied.

Le défaut de détachement des revendications du brevet et son effet sur la nullité globale du brevet

Dans cette affaire, le Tribunal va logiquement pousser son raisonnement sur la nullité de la revendication n°1 dudit brevet pour en déduire d’éventuels effets sur les autres revendications.

Le Tribunal constatera que, bien que la demanderesse ait invoqué également les revendications dépendantes 2 et 3, 5 à 9 et 11 à 13 de son brevet FR 2 857 833 et que les défenderesses aient sollicité l’annulation du brevet dans son ensemble, il ne s’est pas instauré de discussion sur la validité des revendications dépendantes, c’est à dire que la société demanderesse n’a pas cherché à défendre les autres revendications de son brevet.

Et le Tribunal en a déduit que la nouveauté et l’activité inventive du brevet étaient uniquement incluses dans la revendication n°1 de telle sorte que l’ensemble des revendications, qui portent sur des aménagements secondaires, ont donc été également annulées.

La contre-attaque du défendeur pour concurrence déloyale par dénigrement

Non contente d’assigner son prétendu contrefacteur en justice, la société demanderesse a cru bon d’indiquer aux clients et prospects commun de son concurrent, qu’elle avait assigné ce dernier en contrefaçon en joignant une copie de son assignation à ses correspondances.

Le Tribunal indique que l’assignation qui jointe aux courriers de la demanderesse, présente de manière partiale les faits reprochés à la société défenderesse et en la joignant aux lettres, la société demanderesse a fait perdre à l’information qu’elle délivrait leur caractère pondéré et strictement nécessaire pour manifestement tenter d’influencer la décision des communes sur l’attribution des marchés (“Nous vous laissons en tirer les conséquences”).

Le Tribunal ne retient pas la faute au titre de l’envoi d’un simple mail d’information, mais bien de la fourniture conjointe de l’assignation qui est un document par définition partial. C’est en cela que la communication va être jugée fautive et que sera reconnu un droit à réparation au profit du concurrent.

L’arroseur devient arrosé.

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Base de données & données personnelles : le contrat portant sur un fichier peut être annulé pour défaut de respect de la réglementation CNIL

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Les droits sui generis du producteur d’une base de données, tels que prévus à l’article L.341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, peuvent être anéantis en raison du défaut de respect des conditions de constitution d’une base de données contenant des données personnelles.

La Cour de cassation a récemment rendu un intéressant arrêt en la matière en soulignant que le défaut de déclaration auprès de la CNIL impique que le contrat de cession ou de licence d’une base de données peut être annulé.

Dans une très courte mais très claire décision, la Cour suprême pose le principe selon lequel un contrat de commercialisation (en l’espèce une cession) d’une base de données peut être annulé si ladite base de données n’a pas été déclarée auprès de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté).

La Cour légalement fondé sa décision en rappelant que tout fichier de données personnelles doit être déclaré à la CNIL et que la vente d’un tel fichier non préalablement déclaré n’est pas dans le commerce et a un objet illicite, étant le résultat d’une infraction à la loi n ° 78 -17 du 6 janvier 1978 dite « Loi Informatique et Libertés ».

En d’autres termes, des bases de données personnelles (soit la majorité des bases de données faisant l’objet d’une transaction sur internet) non préalablement déclarées auprès de la CNIL sont des objets hors du commerce.

Pour prendre cette décision, la Cour de cassation (Cass. com. 25 juin 2013, pourvoi n ° 12 à 17,037), s’est fondée sur les articles 1128 du Code civil (“Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions”) et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (sur les formalités préalables à la mise en œuvre des traitements).

Premier enseignement, le plus compréhensible, La Cour suprême énonce que, pour être négociés en toute sécurité, les contrats portant sur des bases de données doivent être soumis à une déclaration auprès de la Commission nationale française de l’informatique et des libertés (CNIL) avant toute mise en oeuvre du traitement (et donc bien avant toute signature d’un quelconque contrat).

Second enseignement, sans doute moins clairement annoncé, cette jurisprudence implique que toute autre violation de la loi « Informatique et Libertés » peut éventuellement rendre « invendable » une base de données, comme objet illicite d’un contrat.

Par exemple, le fait de recueillir des données personnelles sans le plein respect des dispositions organisant les règles de collecte de données personnelles (obligation d’information, consentement à l’opt-in ou le respect du droit à l’ opt-out, finalité du traitement déclaré, respect du droit d’accès / modification / suppression) pourrait compromettre la validité de la vente ou de la location du fichier de données personnelles, même si la BDD est bien déclarée auprès de la CNIL.

Par conséquent, les entreprises qui vendent, louent, mettent à disposition des fichiers ou organisent des mailings pour des annonceurs ont fort intérêt à prendre conseil avant une telle commercialisation un DB.

Désormais, le risque pour ces sociétés commercialisant du big-data de donner accès à ces données gratuitement est à prendre au pied de la lettre.

Il reste à savoir si la Cour de cassation a ouvert la brèche pour tous les annonceurs, même de mauvaise foi, qui voudraient dénoncer un contrat et s’en voir rembourser le prix alors qu’ils auront exploité la base de données déclarée objet illicite ne pouvant faire l’objet d’une convention…

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Le nom de domaine doit être distinctif pour assurer une protection et le NDD descriptif peut engager la responsabilité de son exploitant

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C’est l’idée qui ressort des dernières jurisprudences en la matière : un nom de domaine ayant un caractère descriptif ne permet pas à son titulaire d’agir en concurrence déloyale à l’encontre de l’entreprise concurrente qui enregistrera le même nom de domaine ou un nom de domaine proche, même avec la même extension, visant le même territoire (voire la même localité).

Le nom de domaine descriptif ne confère aucun droit d’exclusivité et ne permet pas d’agir en concurrence déloyale

Dans un arrêt du 20 mars 2013, la Cour d’appel de Bastia avait en effet déjà statué sur la question en retenant notamment que « en vertu du principe de la libre concurrence, seul le titulaire d’un nom de domaine distinctif peut en rechercher la protection sur le fondement de l’article 1382 du code civil au titre de la concurrence déloyale, l’enregistrement d’un nom de domaine auprès d’une autorité de nommage ne lui conférant aucun droit privatif ni le bénéfice d’aucun statut juridique propre. En effet, une entreprise ne peut par le biais de son nom de domaine se voir conférer ’un droit quasi exclusif’ d’exercer une activité, même sur un territoire délimité. »

Il s’agissait, en l’espèce, d’un conflit intervenant entre le déposant du nom de domaine « mariagesencorse.com » et la déposante du nom de domaine « mariageencorse.com ».

Le premier déposant, s’imaginant sans doute que le premier arrivé est le premier servi et qu’il est forcément protégé juridiquement, estime être victime d’usurpation de son nom de domaine ’mariagesencorse.com’.

Il demande donc réparation sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, estimant avoir subi une atteinte préjudiciable à son nom de domaine, constitutive de concurrence déloyale et de parasitisme.

Le Tribunal de commerce d’Ajaccio, s’estimant compétent à tort pour juger de ce contentieux en droit des marques (même portant sur la question connexe des actes de concurrence déloyale), donne raison au demandeur.

La Cour d’appel de Bastia retient quant à elle qu’il n’y avait pas de ressemblance entre les deux sites concurrent et que le site « www.mariagesencorse.com est une juxtaposition d’un mot usuel et d’une provenance ou d’un lieu géographique, qui évoque l’objet et le lieu de l’activité de son titulaire sur internet. »

La Cour en déduit très justement que le simple dépôt auprès d’un registrar d’un nom de domaine descriptif ne confère aucun droit, ni aucun monopole à son titulaire, lequel se voit privé, subséquemment, de toute action en concurrence déloyale contre des sites internet ayant la même activités, même sur le même territoire et usant d’un signe descriptif très proche voire identique à titre de nom de domaine.

Le Tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 24 mai 2013 a retenu une solution similaire à l’occasion d’un contentieux opposant les titulaires des noms de domaines « e-obseques.fr » et« i-obseques-paris.fr », le premier appartenant à une société privée et son gérant, demandeurs à l’instance, et l’autre à la ville de Paris, défenderesse.

Le Tribunal de commerce, à l’instar de la Cour d’appel de Bastia, retient également que la société privée et son gérant «  ne peuvent revendiquer une protection qui aboutirait à leur reconnaitre un monopole d’utilisation d’un terme descriptif », outre le fait que les demandeurs « ne sont pas en mesure d’établir qu’une quelconque confusion soit possible entre le graphisme de leur site et celui de la société ».

Cette idée a d’ailleurs pour origine le fait que pour avoir une marque forte et qui pale d’elle même, il faut choisir un signe lequel, par définition, doit permettre de se distinguer des concurrents et non de se confondre avec.

Les critères permettant d’agir en concurrence déloyale au titre du plagiat d’un site internet

On notera, à ce titre, que ces solutions rejoignent celles déjà adoptées par le Tribunal de grande instance de Paris qui retient usuellement que l’imitation des fonctionnalités et la reproduction quasi-servile des conditions générales d’utilisation d’un site internet sont constitutives d’actes de concurrence déloyale (TGI, 3ème civile, 2ème Section, 15 mars 2013).

La solution de bon sens donne par conséquent une idée précise de ce que doit désormais relever l’exploitant d’un site internet pour poursuivre en concurrence déloyale un site concurrent :

–        L’imitation d’un signe distinctif éventuellement déposé à titre de marque, de dénomination sociale et/ou de nom commercial ;

et/ou

–        L’imitation d’un graphisme et/ou des fonctionnalités / conditions générales d’utilisation.

Ces critères ne sont pas nécessairement limitatifs, mais en l’absence de contrefaçon d’éléments de propriété intellectuelle, ils doivent servir de référence de base avant d’agir en concurrence déloyale contre un site internet concurrent.

Exploiter un nom de domaine descriptif peut être un acte de concurrence déloyale

Pour aller plus loin, rappelons que la Cour de cassation avait retenu, dans un arrêt du 04 mai 2012, que le fait (pour un avocat) d’enregistrer un signe descriptif à titre de nom de domaine (« avocat-divorce.com », en l’espèce) constituait « une infraction aux règles sur la publicité individuelle, ainsi qu’un acte de concurrence déloyale » (Cass. Civ. 1ère, 4 mai 2012, N° de pourvoi: 11-11180, publié sur Legifrance).

Le problème était par conséquent carrément inversé : c’est le déposant d’un nom de domaine descriptif qui aurait pu être attaqué pour concurrence déloyale par ses concurrents, non titulaires du même nom de domaine.

Certes cette jurisprudence s’applique à une profession réglementée (avocats)… néanmoins, l’argument, souligné par la Cour de cassation, consistant à soutenir qu’il y a concurrence déloyale du fait de l’enregistrement d’un nom de domaine descriptif est, à nos yeux, une invitation à ouvrir droit à poursuites à tout concurrent !

Contrairement à ce qu’on peut écrire faussement certains avocats, il n’est donc surtout pas question de course au référencement :  au contraire, les noms de domaines génériques sont susceptibles d’engager la responsabilité de leur déposant et/ou de leur exploitant.

En effet, une telle jurisprudence dénote clairement une hostilité certaine de la haute juridiction à l’égard des signes descriptifs enregistrés à titre de nom de domaine.

Peut être que certains professionnels y verront une opportunité pour faire cesser des agissements de concurrents peu scrupuleux qui achètent des noms de domaines descriptifs à tour de bras pour « occuper l’espace » et acquérir de la visibilité.

Il se pourrait que le mouvement jurisprudentiel de ces derniers mois leur offre, en effet, une voie d’action.

Et ce serait logique puisqu’en droit des marques, tout intéressé peut invoquer à titre de moyen en défense la nullité d’un signe descriptif : il y a donc une certaine logique à neutraliser toute forme de monopole, quel qu’il soit, y compris s’agissant d’un nom de domaine descriptif quant à l’activité auquel il se rapporte.

En sus, cette hostilité rejoint la nouvelle (quoique de moins en moins « nouvelle ») politique de référencement de Google qui ne souhaite plus donner la part belle aux noms de domaine descriptifs, précisément afin d’éviter des abus en matière de référencement.

Il semble donc que l’achat de nom de domaines descriptifs pour être « bien vus » sur le net risque d’être « mal vus », non seulement par Google, mais également désormais, par les juridictions françaises.

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